À compter d’aujourd’hui, les locataires qui n’auraient pas payé leur loyer sont de nouveau susceptibles d’être expulsés de leur logement : c’est la fin de la trêve hivernale.
Fin de la trève hivernale : quelle menace pour les locataires ?
La trêve hivernale a été levée hier soir : à l’abris des expulsions depuis 5 mois, des milliers de familles locataires sont de nouveau exposées à la menace de voir leur contrat de bail rompu et d'être contraintes de devoir quitter leur logement.
Ouverte le 1er novembre, cette trêve avait pour objet d’empêcher l’expulsion d’un locataire de son logement. Cette expulsion était néanmoins possible dans deux cas :
- Si un relogement décent était prévu pour le ménage.
- Si le logement, dangereux au vu de sa solidité, faisait l’objet d’un arrêté de péril.
Pendant cette trêve, il était toutefois possible pour les propriétaires de saisir le juge du tribunal de grande instance (TGI) et de lancer une procédure d’expulsion, lorsque les obligations du locataire n'avaient pas été remplies. Si les décisions d’expulsion rendues par le juge avant ou pendant la trêve ne pouvaient pas être mises à exécution pendant ces 5 mois de répit, elles sont effectives à compter d’aujourd’hui. Les droits des propriétaires sont ainsi effectivement protégés.
Cela a de lourdes conséquences : désormais, si les locataires faisant l’objet d’une décision d’expulsion ne quittent pas les lieux d’eux-mêmes, les forces de l’ordre pourront intervenir à la demande du préfet et les contraindre à libérer le logement.
Fin de la trêve hivernale : les associations réagissent
Selon le dernier bilan annuel de la Fondation Abbé Pierre (FAP), en 2017, 126 000 décisions d’expulsion ont été prononcées, dont plus de 120 000 pour loyers impayés. De plus, la même année, 15 547 familles ont été expulsées de leur logement avec le concours des forces de l’ordre : c’est un record historique.
En 10 ans, près de 300 000 personnes ont reçu la visite des forces publiques et ont été forcées de quitter leur logement. Ce chiffre ne prend pas en compte les familles qui sont parties d’elles-mêmes, sans attendre cette dernière étape de la procédure d’expulsion qui peut être traumatisante.
Le fondation souligne que « la multiplication des expulsions entre en contradiction avec la politique du “Logement d’abord” affichée par le gouvernement. Reloger davantage de personnes à la rue ne suffit pas si, dans le même temps, les préfectures en délogent toujours plus ».
Face à ces chiffres, les associations réclament une action efficace du gouvernement. Selon elles, les droits du locataire doivent être renforcés par une garantie en cas d'expulsion : plus aucune expulsion ne doit être mise en oeuvre sans que ne soit proposée une solution de relogement. De plus, il est selon elles urgent et nécessaire de construire des logements sociaux destinés aux familles avec des revenus modestes et d’encadrer les loyers dans les grandes métropoles.
Conscient de la problématique du relogement après expulsion, le gouvernement a mis en place un plan d’urgence. Ce plan hiver a donné lieu à l’ouverture de 14 000 places dans des hébergements d’urgence. 6 000 d’entre elles seront ouvertes toute l’année, s’ajoutant aux plus de 140 000 places déjà ouvertes. Le Collectif des associations unies dénonce toutefois que 8 000 places parmi les 14 000 seront tout de même supprimées : “aucune personne ne doit être remise à la rue au printemps sans solution d’hébergement ou de relogement”.
La FAP a proposé hier une autre solution devant le ministère du Logement. Ce plan aurait pour objet de doubler les aides au maintien du Fonds de solidarité logement, de tripler le fonds d’indemnisation des bailleurs et d’ »enjoindre aux préfets de faire de la prévention des expulsions un axe prioritaire”. Le coût total de ce plan d’action s’élèverait au minimum à 100 millions d’euros par an.