Qu’est-ce que le droit à la vie privée ?
La notion de vie privée renvoie à la sphère d'intimité des personnes physiques, par opposition à leur vie publique. Cette sphère a vocation à rester à l'abri des regards d'autrui.
L'article 9 du code civil prévoit que « chacun a droit au respect de sa vie privée ».
La loi n’énumère pas les composantes de la sphère d'intimité, il s’agit donc d’un concept souple. Le droit offre différentes protections contre les intrusions dans cette sphère émanant des tiers ou des autorités.
A noter : Le droit au respect de la vie privée figure au sommet de la hiérarchie des normes, il a valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel l’a ainsi rattaché à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (Décision du Conseil constitutionnel du 24 juillet 1999). La notion de vie privée figure également à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH).
Quel est le contenu du droit à la vie privée ?
Les personnes protégées
Selon l'article 9 du code civil, toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes et à venir a le droit au respect de sa vie privée (Cass. civ. 1re, 23 oct. 1990, n° 89-13.163).
Toutefois, les personnes morales (par exemple les entreprises) ne peuvent pas se prévaloir d'une atteinte à la vie privée au sens de l'article 9 du code civil (Cass. civ. 1re, 17 mars 2016, n°15-14072).
Les éléments protégés
Le droit au respect de la vie privée est une notion difficile à délimiter.
En effet, l'article 9 du code civil et l'article 8 de la CESDH ne donnent pas de contenu précis de la sphère d'intimité. Les tribunaux ont donc dû interpréter la notion.
Ils ont notamment fait entrer les éléments suivants dans la notion de vie privée :
- l'image (Cass. civ. 2e, 5 mars 1997),
- le sexe (CEDH 25 mars 1992, Van Oosterwijck c/ Belgique),
- la vie familiale et les origines familiales (Cass. civ. 1re, 16 oct. 1984, Bull. civ. I, n° 268),
- la santé (Cass. civ. 1re, 6 juin 1987),
- la voix (CA Paris, 12 janv. 2005),
- les convictions personnelles, philosophiques et religieuses (Cass. civ. 1re, 12 juill. 2005),
- le domicile (Cass civ. 2e, 5 juin 2003),
- la vie sentimentale (Cass civ. 1re, 6 oct. 1998).
Le RGPD prévoit une protection particulière des personnes physiques s'agissant de leurs données personnelles.
Comment le droit protège-t-il notre vie privée ?
Les sanctions des atteintes à la vie privée
Plusieurs sanctions sont possibles en cas d'immixtion dans la sphère d'intimité.
Le droit de la responsabilité civile peut s'appliquer et l'auteur de l'atteinte peut être condamné à verser des dommages-intérêts à la victime. Les juges peuvent également prescrire toutes mesures propres à éviter ou faire cesser une atteinte. Ils peuvent en cas d'urgence prescrire ces mesures en référé.
Il existe également des sanctions pénales prévues aux articles 226-1 et suivants du code pénal. Au titre de ces sanctions pénales, l'auteur d'une atteinte à la vie privée encourt des peines d'amendes (de 15 000 € à 300 000 €) et d'emprisonnement (d'un an à cinq ans). ll existe des infractions particulières en matière de violation de domicile et de contenus érotiques.
Les atteintes à l’image peuvent également constituer le délit de diffamation de la loi sur la liberté de la presse de 1881 (Cass. civ. 1re, 26 sept. 2019, n°18-18939).
Il est possible de porter plainte pour les infractions ci-dessous. Attention le délai pour porter plainte en cas de diffamation est de 3 mois.
Il faut pour cela se rendre au commissariat de police ou à la gendarmerie. Les forces de l'ordre transmettent ensuite la plainte au procureur de la République. Pour éviter une attente trop longue au Commissariat ou à la Gendarmerie, il est possible de remplir une pré-plainte en ligne.
La victime peut aussi porter plainte auprès du procureur de la République. Pour cela il faut lui adresser un courrier recommandé. Le procureur compétent est celui du tribunal judiciaire du lieu de l’infraction ou du domicile de l’auteur de l’infraction.
Les limites de la protection
Le droit au respect de la vie privée protège une personne contre l’atteinte à son intimité. Les tiers (autrui, l’État, les entreprises etc.) sont donc tenus d'un devoir de non-immixtion.
Toutefois, la personne concernée par l’intrusion dans sa vie privée peut consentir à cette immixtion. Il n'y a alors pas atteinte à sa vie privée. Le seule intrusion (par exemple enregistrement de données personnelles) en l’absence même sans publication suffit à constituer une atteinte à la vie privée (Cass. civ. 1re, 5 nov. 1996). En matière de contenus érotiques, il faut consentir non seulement à l’enregistrement des images, mais encore à leur diffusion.
Le droit au respect de la vie privée doit être mis en balance avec le droit à l'information du public sur un sujet d'intérêt général (CEDH, 10 nov. 2015, n° 40454/07 ; Cass. civ. 1re, 1er mars 2017, n° 15-22.946).