Comme pour le prélèvement à la source, la plupart des dispositions de la Loi Alimentation sont entrées en vigueur au 1er janvier 2019. En ce 1er février 2019, de nouveaux volets clefs de cette loi deviennent applicable. C’est notamment le cas pour la hausse des marges des distributeurs, qui passent à 10% pour certains produits. Alors, concrètement, qu’est-ce que ces changements impliquent pour les consommateurs ?
Un objectif de meilleure rémunération des agriculteurs
Le mécanisme majeur qui rentre aujourd’hui en vigueur est l’augmentation de 10% du seuil de revente à perte (SRP) pour les enseignes de distribution alimentaire. Autrement dit, ces dernières sont à présent obligées de réaliser des marges d’au moins 10% sur les produits vendus.
Le but pour le gouvernement ? Mettre fin à la “guerre des prix”, jusqu’ici menée de front par les enseignes de la grande distribution, en exerçant d’importantes pressions sur les agriculteurs français pour casser les prix. En augmentant les marges des distributeurs, la loi vise à garantir, par ricochet, un meilleur revenu aux agriculteurs français. Notons-le, ce mécanisme est toutefois une mesure d’expérimentation qui va durer 2 ans.
En plus de revoir les marges des distributeurs à la hausse, à partir d’aujourd’hui la loi interdit aux acteurs de la distribution alimentaire de proposer des promotions de plus de 34%. C’en est donc fini des prix bradés à 50%. Autrement dit, adieu le modèle “un acheté, un offert”… du moins pour une période de deux ans.
Une hausse des prix qui vise surtout les produits “d’appels”
Selon le gouvernement, l’augmentation de 10% des marges ne va concerner qu’un petit pourcentage des produits disponibles. Interrogé sur France Info cette semaine, le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Didier Guillaume a en effet estimé qu’“il y aura 4% des produits qui vont augmenter beaucoup”. Pour les supermarchés, il a indiqué que 500 produits seraient concernés sur 13 000, contre 800 produits sur 20 000 pour les hypermarchés.
Les produits visés sont surtout les 24 produits dits “d’appel”, c’est-à-dire les produits préférés des consommateurs vendus à perte ou sans profit par les grandes enseignes, comme le Nutella, le Coca-Cola ou encore le Ricard. M. Guillaume a nié les accusations du Parisien, comme quoi la Loi Alimentation obligerait à présent les enseignes à vendre le Nutella à 10% ou plus de sa valeur. Selon lui, la loi interdit plutôt aux supermarchés et hypermarchés de vendre les produits d’appel à un prix inférieur à leur valeur réelle.
Attention intox : certains supermarchés ou hypermarchés ont faussement annoncé aux consommateurs que la Loi Alimentation impliquait une hausse automatique de 10% des produits, attention à l’intox. Cette augmentation pour les foyers ne serait en vérité que de 3,21 euros par mois, selon le rapporteur de la loi. De plus, comme l’explique l’UFC – Que Choisir au Parisien, les prix n’augmenteront pas dans tous les magasins. Certaines enseignes pratiquant déjà des prix supérieurs à 10%, notamment en centre-ville, ne seront pas touchés.
Un mécanisme qui laisse certains sceptiques
L’augmentation du SRP n’est pas au goût de tout le monde. Les professionnels de la distribution sont notamment assez critiques, et anticipent la colère des consommateurs. La solution qui se profile pour pallier l’augmentation de certains produits ? Les cartes de fidélité, les bons de réduction, la baisse des prix des marques propres type marque repère… C’est ce qu’a déclaré Michel-Edouard Leclerc, chef de l’enseigne de distribution du même nom et fervent opposant à la Loi Alimentation, alors qu’il était interrogé sur la chaîne de radio RTL : « Nous allons être malins : nous allons multiplier les bons de réduction, faire des choses qui sont légales et nous allons baisser [les prix sur] 4.600 articles de marques de distributeurs. »
Chez UFC-Que Choisir, la mesure d’augmentation des marges a également été critiquée. Non sans référence aux protestations des gilets jaunes rythmant la France depuis le mois d’octobre 2018, Mathieu Escot a qualifié la mesure d’“inadaptée dans le climat actuel”. Il ne croit pas au “conte de fées”, estimant que le mécanisme est mal conçu car il ne garantit pas de marges aux agriculteurs en tant que tel.
En bref ? A partir du 1er février 2019, les enseignes de distribution alimentaire sont tenues d’effectuer des marges d’au moins 10% sur certains produits d’appels, et n’ont plus le droit de proposer des promotions de plus de 34%. A en croire le gouvernement, la Loi Alimentation ne devrait pas faire “flamber” les prix. A priori, donc, pas de risque de se retrouver en surendettement ou de devoir demander la revalorisation des pensions alimentaires pour faire face à ces nouvelles règles. Toutefois, seule l’année à venir pourra nous dire l’impact concret de la Loi Alimentation sur nos paniers de courses, et sur l’amélioration ou non des conditions de vie des agriculteurs français.