Qu’est ce qu'un complément de loyer ?
Conformément à l’article 140 de la loi ELAN du 23 novembre 2018, certaines grandes villes peuvent opter pour l’encadrement des loyers sur leur territoire. La liste des villes ayant opté pour ce régime s’élargit de jour en jour (voir ci-dessous).
Dans ces villes, les parties fixent le loyer de base des logements mis en location dans la limite d’un plafond appelé loyer de référence majoré. Le préfet détermine ce selon les caractéristiques du logement (nombre de pièces, la date de construction, vide ou meublé). Il correspond à la médiane des loyers constatés sur le territoire pour la même catégorie de logements majorée de 20%.
En plus de ce loyer de base, lorsque le logement présente des caractéristiques particulières (localisation, confort), le bail peut prévoir un complément de loyer.
Le loyer d’un logement soumis à l’encadrement se compose donc d’un loyer de base (hors charges) et d’un complément de loyer facultatif.
Quelles villes sont concernées ?
Les villes concernées par le dispositif sont :
- Paris (bail signé ou renouvelé depuis le 1er juillet 2019),
- Lille, Hellemmes et Lomme (bail signé ou renouvelé depuis le 1er mars 2020),
- Plaine commune : Aubervilliers, La Courneuve, Épinay-sur-Seine, L'Île-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains, Villetaneuse (bail signé ou renouvelé depuis le 1er juin 2021),
- Lyon et Villeurbanne (bail signé ou renouvelé depuis le 1er novembre 2021),
- Est Ensemble : Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin, Romainville (bail signé ou renouvelé depuis le 1er décembre 2021),
- Montpellier (bail signé ou renouvelé depuis le 1er juillet 2022),
- Bordeaux (bail signé ou renouvelé depuis le 15 juillet 2022).
Le maire de Marseille a annoncé qu'il appliquerait prochainement le dispositif aux logements du centre-ville de la citée phocéenne. La ville de Rennes appliquera bientôt un dispositif d'encadrement autonome.
Quelles sont les conditions de validité d’un complément de loyer ?
Un bail peut comporter un complément de loyer. Mais pour que celui-ci soit valide, il doit remplir trois conditions :
1. Le loyer de base (hors charges) est égal au loyer de référence majoré.
Aucun complémement ne peut être appliqué si le loyer de base n'est pas égal au maximum autorisé.
2. Le logement présente des « caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique».
La loi n'offre pas de définition de ce critère mais la jurisprudence est très exigeante. Seules des caractéristiques exceptionnelles justifient le complément de loyer. Le qualificatif « exceptionnel » figurait ainsi dans une première mouture de la loi. Le Conseil constitutionnel l'avait censuré mais l'esprit demeure.
Complément de loyer justifié : grande terrasse, vue sur un monument historique majeur, équipements très luxueux tels un sauna.
Complément de loyer non justifié : logement « refait à neuf » (TI Paris, 1er déc. 2016, n° 11-16-000229), cuisine équipée, cave, moulures ou petit balcon.
3. Le montant du complément de loyer et les caractéristiques du logement le justifiant sont mentionnés dans le bail.
Cela permet au juge de vérifier les éléments pris en considération pour justifier l'application du complément de loyer.
Ainsi, le juge annule le complément de loyer s'il fait référence à des caractéristiques qu'il estime insuffisantes (cf. 2.).
Le juge annule en outre le complément si les caractéristiques invoquées dans le bail n'existent pas réellement.
Il annule le complément même si des caractérisitiques non indiquées pourraient par ailleurs justifier l’application d’un complément de loyer (TJ Paris, 9 nov. 2020, n° 11-20-006260).
⛔ Attention : Pour un bail signé ou renouvelé depuis le 18 août 2022, les parties ont l'interdiction de prévoir un complément de loyer si le logement présente au moins une de ces caractéristiques :
- sanitaires sur le palier,
- signes d'humidité sur certains murs,
- DPE (Diagnostic de performance énergétique) de classe F ou G,
- fenêtres laissant anormalement passer l'air (hors grille de ventilation),
- vis-à-vis à moins de 10 m,
- infiltrations ou inondations provenant de l'extérieur,
- problèmes d'évacuation d'eau au cours des 3 derniers mois,
- installation électrique dégradée,
- mauvaise exposition de la pièce principale.
Comment contester un complément de loyer ?
Phase amiable (obligatoire)
Pemière étape : saisine de la commission départementale de conciliation
Le locataire qui souhaite contester le complément de loyer dispose d'un délai pour agir de 3 mois à compter de la signature du bail. Dans ce délai, il doit saisir la commission départementale de conciliation du lieu du logement (CDC).
La saisine prend la forme d’un courrier recommandée avec accusé de réception adressé au secrétariat de la CDC. Ce courrier comprend notamment :
- les noms et adresses du locataire et du bailler
- l’objet du litige
- une copie du contrat de location
- la mise en demeure adressée au bailleur
- tous les documents utiles pour étayer le dossier (état des lieux, mails, courriers, plans...)
A Paris, il est également possible de saisir la CDC par voie numérique.
Le locataire doit si possible adresser un courrier de mise en demeure au propriétaire avant la saisine de la CDC. Ce courrier comporte les arguments du locataire ainsi que sa demande de réduction ou d’annulation du complément de loyer. Il peut permettre de trouver une issue amiable au litige, ce qui est toujours à privilégier.
⛔ Attention : le délai de saisine de 3 mois est impératif. Au-delà, le locataire ne peut plus contester le complément de loyer qui lui est réclamé chaque mois, même devant un juge.
La saisine de la CDC n’est pas possible en cas de bail mobilité.
Deuxième étape : séance de la commission départementale de conciliation
Après réception du courrier par la CDC, les locataires et bailleurs sont convoqués 15 jours au moins avant la date de la séance.
Les locataires et propriétaire doivent en principe se présenter devant la CDC en personne. En cas d'empêchement, il leur est possible de se faire représenter. Un mandat de conciliation écrit doit être donné au représentant. Par exemple pour des co-titulaires du bail ou des colocataires, si une seule personne est présente, elle doit justifier d’un mandat écrit de chaque personne.
La CDC se compose à égalité de représentants des bailleurs et de représentants des locataires. Elle n’est pas une juridiction : elle a pour unique but de concilier les parties. Devant elle, chaque partie expose ses arguments, puis ses membres donnent leur avis et tentent de les faire parvenir à un accord.
En cas d'accord, les locataires et propriétaires signent un document de conciliation. Ce document vaut transaction et le recours au juge sur les questions traitées n'est plus possible. Le montant du loyer indiqué par l’avis s’applique rétroactivement. Si l'une des parties ne respecte pas l'accord signé, l'autre partie peut saisir le juge pour le faire appliquer.
En cas de désaccord, la CDC émet dans un délai de 2 mois un avis qu'elle adresse aux parties par lettre simple. Le locataire peut alors saisir le juge pour contester le loyer.
Phase judiciaire (en cas d'échec de la phase amiable)
Si désaccord persiste, le locataire a 3 mois à partir de la réception de l'avis de la CDC pour saisir le juge. Il doit saisir le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire dont dépend le logement.
Le locataire peut demander au juge d'annuler ou de diminuer le complément de loyer ainsi que des dommages et intérêts supplémentaires. Le montant du loyer fixé par la décision du juge s'applique à partir de la date d'entrée en vigueur du bail.
Si le montant total réclamé est inférieur à 5.000 euros le locataire peut saisir le juge sur requête (écrit adressé au tribunal). Sinon il lui faudra faire délivrer une assignation au propriétaire par un commissaire de justice.